SDF (Source: Un Jour Une Actu)
27
janvier 2013 à 13:09 | par Bénédicte Boucays
Une ancienne sans domicile fixe nous parle de la
pauvreté
La pauvreté touche aujourd’hui plus de huit millions de
personnes en France. Parmi ces femmes et ces hommes qui vivent en général avec
moins de 954 euros par mois, il y a de plus en plus de familles. Pour te parler
de la pauvreté, nous avons choisi d’interviewer Elina Dumont, qui, avant de
devenir comédienne, a passé dix ans de sa vie dans l’errance. Voici son témoignage.
Sur cette photo, tu peux voir Élina Dumont. (© Laura
Cortès)
Pourquoi en parle-t-on ?
Parce que le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a présenté le 21 janvier son plan pour lutter
contre la pauvreté.
Les mots en vert sont expliqués dans le dico du
jour.
L’@ctu du jour :
1jour1actu
:
Comment
en êtes-vous arrivée à dormir dans la rue ?
Elina
Dumont
: Ma mère ne pouvait pas me garder quand j’étais petite car elle était
alcoolique et trop fragile. J’ai donc été placée dans une famille d’accueil.
J’ai vécu des choses difficiles, et à l’âge de 14 ans je me suis retrouvée
dehors du système scolaire en seconde.
À partir de ce moment-là, ce fut la chute, et j’ai fait les
400 coups. Je suis passée de foyer en foyer, j’ai beaucoup fugué et fait
de nombreuses bêtises. Puis à 18 ans je suis partie à Paris. Un soir, j’ai
appelé des gens mais personne ne répondait. J’ai passé trois nuits entières dans
la rue. Là, je me suis dit : « Plus jamais tu ne dormiras dehors ! » Je n’ai
plus dormi dehors, mais j’ai cherché pendant 10 ans tous les jours un lieu où
dormir et de quoi me nourrir.
J’étais sans domicile fixe ; j’alternais les foyers
d’urgence, les hôpitaux et les squats.
1jour1actu
:
Comment
êtes-vous « sortie » de la rue ?
Elina Dumont : À 19 ans, après avoir fait un séjour dans un hôpital
psychiatrique, un médecin a demandé que je sois mise sous la tutelle d`un juge pour
enfant. Jusque-là, j’étais complètement livrée à moi-même, sans aucune famille.
Hormis celle que je m’étais faite dans la rue.
Un juge s’est donc occupé de moi. Je devais tous les mois
lui rendre des comptes et j’étais surveillée par des éducateurs. J’avais aussi
l’obligation de suivre une psychothérapie. Je suis donc allée pendant
des années (en ratant quelques rendez-vous parce que je n’étais pas trop stable
!) voir un psychiatre à qui je racontais mes problèmes. Ça n’a pas été
efficace tout de suite, mais cela m’a permis de commencer à réfléchir sur
moi-même.
J’ai également fait des rencontres qui m’ont énormément
aidée. J’ai même travaillé ! Mais comme j’étais instable, je ne gardais pas
longtemps ces boulots. Jusqu’au jour où j’ai rencontré Marie Desplechin, une
écrivaine connue aujourd’hui. Je gardais ses
enfants.
Cette femme m’a permis de voir la vie autrement. Je me suis
petit à petit remise en question. J’ai revisité mon histoire et compris que la
société n’était pas mon ennemi. Que tout n’était pas noir ou blanc. Que j’étais
responsable de mes actes, même si j’avais vécu des choses
difficiles.
1jour1actu
:
Comment
êtes-vous devenue comédienne ?
Elina
Dumont : J’aimais chanter quand j’étais petite. Je faisais souvent le clown. En 1998, j’ai joué dans une pièce de théâtre avec d’autres SDF. Les médias ont beaucoup parlé de nous, et on m’a donné le rôle de porte-parole. Après cette expérience, j’ai pris des cours de théâtre, de mime et de cirque pendant 10 ans. Puis, je suis montée sur scène lors de mon premier spectacle : « Des quais à la scène » en 2011.
1jour1actu
:
C’est
quoi la pauvreté pour vous ?
Elina
Dumont
: Il ne faut pas avoir honte d’être pauvre. Aujourd’hui, je gagne 1 100 euros
par mois. Quand j’étais sans domicile fixe, il m’arrivait de gagner
beaucoup plus grâce à des combines, mais j’étais à la rue. Je ne comprenais
rien. C’était toujours de la faute des autres et de la société. C’est la haine
qui dominait. Il n’y avait pas de violence tant qu’il n’y avait pas mort d’homme
!
En fait, je ne me rendais pas compte que j’étais tout le temps
dans la violence, car cela me paraissait normal. Mon travail a consisté à
comprendre ce qui était normal et anormal. Ce qui était juste et acceptable pour
vivre avec les autres.
La vraie pauvreté, c’est la misère intellectuelle. Celle
qui consiste par exemple à commettre ou accepter des actes violents sans s’en
rendre compte. Lutter contre la pauvreté, cela commence à l’école. Il faut
rendre les gens intelligents. Tout le monde est capable à sa façon d’apprendre
à réfléchir.
Le dico du jour :
le mot « errance
» vient du verbe « errer ». L`errance, c`est
marcher longtemps sans but précis. Pour parler des sans-abris on emploie parfois
le mot « errant ».
Être sous la tutelle
de quelqu`un, s`est être sous sa protection, sous
sa responsabilité
janvier 2013 à 13:09 | par Bénédicte Boucays
Une ancienne sans domicile fixe nous parle de la
pauvreté
La pauvreté touche aujourd’hui plus de huit millions de
personnes en France. Parmi ces femmes et ces hommes qui vivent en général avec
moins de 954 euros par mois, il y a de plus en plus de familles. Pour te parler
de la pauvreté, nous avons choisi d’interviewer Elina Dumont, qui, avant de
devenir comédienne, a passé dix ans de sa vie dans l’errance. Voici son témoignage.
Sur cette photo, tu peux voir Élina Dumont. (© Laura
Cortès)
Pourquoi en parle-t-on ?
Parce que le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a présenté le 21 janvier son plan pour lutter
contre la pauvreté.
Les mots en vert sont expliqués dans le dico du
jour.
L’@ctu du jour :
1jour1actu
:
Comment
en êtes-vous arrivée à dormir dans la rue ?
Elina
Dumont
: Ma mère ne pouvait pas me garder quand j’étais petite car elle était
alcoolique et trop fragile. J’ai donc été placée dans une famille d’accueil.
J’ai vécu des choses difficiles, et à l’âge de 14 ans je me suis retrouvée
dehors du système scolaire en seconde.
À partir de ce moment-là, ce fut la chute, et j’ai fait les
400 coups. Je suis passée de foyer en foyer, j’ai beaucoup fugué et fait
de nombreuses bêtises. Puis à 18 ans je suis partie à Paris. Un soir, j’ai
appelé des gens mais personne ne répondait. J’ai passé trois nuits entières dans
la rue. Là, je me suis dit : « Plus jamais tu ne dormiras dehors ! » Je n’ai
plus dormi dehors, mais j’ai cherché pendant 10 ans tous les jours un lieu où
dormir et de quoi me nourrir.
J’étais sans domicile fixe ; j’alternais les foyers
d’urgence, les hôpitaux et les squats.
1jour1actu
:
Comment
êtes-vous « sortie » de la rue ?
Elina Dumont : À 19 ans, après avoir fait un séjour dans un hôpital
psychiatrique, un médecin a demandé que je sois mise sous la tutelle d`un juge pour
enfant. Jusque-là, j’étais complètement livrée à moi-même, sans aucune famille.
Hormis celle que je m’étais faite dans la rue.
Un juge s’est donc occupé de moi. Je devais tous les mois
lui rendre des comptes et j’étais surveillée par des éducateurs. J’avais aussi
l’obligation de suivre une psychothérapie. Je suis donc allée pendant
des années (en ratant quelques rendez-vous parce que je n’étais pas trop stable
!) voir un psychiatre à qui je racontais mes problèmes. Ça n’a pas été
efficace tout de suite, mais cela m’a permis de commencer à réfléchir sur
moi-même.
J’ai également fait des rencontres qui m’ont énormément
aidée. J’ai même travaillé ! Mais comme j’étais instable, je ne gardais pas
longtemps ces boulots. Jusqu’au jour où j’ai rencontré Marie Desplechin, une
écrivaine connue aujourd’hui. Je gardais ses
enfants.
Cette femme m’a permis de voir la vie autrement. Je me suis
petit à petit remise en question. J’ai revisité mon histoire et compris que la
société n’était pas mon ennemi. Que tout n’était pas noir ou blanc. Que j’étais
responsable de mes actes, même si j’avais vécu des choses
difficiles.
1jour1actu
:
Comment
êtes-vous devenue comédienne ?
Elina
Dumont : J’aimais chanter quand j’étais petite. Je faisais souvent le clown. En 1998, j’ai joué dans une pièce de théâtre avec d’autres SDF. Les médias ont beaucoup parlé de nous, et on m’a donné le rôle de porte-parole. Après cette expérience, j’ai pris des cours de théâtre, de mime et de cirque pendant 10 ans. Puis, je suis montée sur scène lors de mon premier spectacle : « Des quais à la scène » en 2011.
1jour1actu
:
C’est
quoi la pauvreté pour vous ?
Elina
Dumont
: Il ne faut pas avoir honte d’être pauvre. Aujourd’hui, je gagne 1 100 euros
par mois. Quand j’étais sans domicile fixe, il m’arrivait de gagner
beaucoup plus grâce à des combines, mais j’étais à la rue. Je ne comprenais
rien. C’était toujours de la faute des autres et de la société. C’est la haine
qui dominait. Il n’y avait pas de violence tant qu’il n’y avait pas mort d’homme
!
En fait, je ne me rendais pas compte que j’étais tout le temps
dans la violence, car cela me paraissait normal. Mon travail a consisté à
comprendre ce qui était normal et anormal. Ce qui était juste et acceptable pour
vivre avec les autres.
La vraie pauvreté, c’est la misère intellectuelle. Celle
qui consiste par exemple à commettre ou accepter des actes violents sans s’en
rendre compte. Lutter contre la pauvreté, cela commence à l’école. Il faut
rendre les gens intelligents. Tout le monde est capable à sa façon d’apprendre
à réfléchir.
Le dico du jour :
le mot « errance
» vient du verbe « errer ». L`errance, c`est
marcher longtemps sans but précis. Pour parler des sans-abris on emploie parfois
le mot « errant ».
Être sous la tutelle
de quelqu`un, s`est être sous sa protection, sous
sa responsabilité